Tabac et cannabis : les prisonniers ne sont pas très raisonnables (2024)

Journal International de Médecine – 6 mai 2024 – Quentin Haroche

Paris – Les résultats de l’Enquête sur la santé et les substances en prison (ESSPRI) publiés ce lundi démontrent une forte consommation de substances psychoactives en prison.

Dans un monde idéal, la prison devrait être un lieu épargné de tous les vices et maux du monde extérieur, où les prisonniers pourraient s’amender et se réhabiliter. Il n’est en souvent malheureusem*nt rien : trafic, violence, radicalisation, maltraitance…la prison porte malheureusem*nt bien son surnom d’ « école du crime ».

Les premiers résultats de l’Enquête sur la santé et les substances en prison (ESSPRI) réalisée en 2023 par l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT) et publiés ce lundi, montrent bien que la prison est loin d’être un lieu d’abstinence.

Ce sont au total 1 094 prisonniers hommes détenus depuis au moins trois mois qui ont été interrogés sur leurs pratiques de consommation en prison (une autre enquête sera publiée en 2025 sur les femmes détenues, qui ne représentent que 4 % des plus de 70 000 prisonniers en France). Premier enseignement de l’étude, les prisonniers sont de gros fumeurs : 73 % des prisonniers déclarent avoir déjà fumé depuis leur incarcération et 63 % fument quotidiennement.

Le taux de tabagisme des prisonniers est ainsi 2,5 fois plus élevé que celui de la population masculine libre. Pas forcément une très grande surprise au vu du profil socioéconomique très défavorisé de la grande majorité des détenus en France, le tabagisme étant généralement lié à l’appartenance aux classes défavorisées.

Les prisonniers ne lèvent pas le coude Si le tabac est autorisé en prison, ce sont tout de même plus de la moitié des prisonniers (52%) qui déclarent avoir déjà consommé en détention une substance interdite, signe du manque de contrôle qui règne dans un grand nombre de nos établissem*nts pénitentiaires.

Ainsi, 49 % des prisonniers déclarent ainsi avoir déjà fumé du cannabis en prison dont 34 % qui déclarent
fumer chaque semaine et 26 % tous les jours. La prévalence de la consommation de cannabis est ainsi 8 fois plus importante en prison que dans le monde extérieur !

La prison n’est cependant pas un lieu d’initiation au cannabis : 25 % des détenus consommaient
quotidiennement déjà du cannabis avant leur incarcération et parmi ceux qui n’en avaient jamais fumé avant leur incarcération, seulement 8 % ont commencé en prison.

Les prisonniers ne sont en revanche pas des gros buveurs : seulement 16 % ont déjà bu de l’alcool avant leur incarcération et seulement 3,7 % déclarent boire au moins une fois par mois. Il ne faut cependant pas voir ici une tendance à l’abstinence des prisonniers, qui sont nombreux à déclarer boire avant leur incarcération.

C’est surtout la difficulté de faire entrer de l’alcool, interdit en prison, au sein des établissem*nts pénitentiaires, qui explique cette abstinence : 52 % des prisonniers interrogés estiment impossible ou très difficile d’obtenir de l’alcool alors que 51 % disent qu’il est très facile de trouver du cannabis.

Enfin, la consommation d’autres substances illicites comme la cocaïne, le crack, la MDMA ou l’héroïne en prison est bien plus marginale, avec 14 % des prisonniers qui déclarent en avoir déjà consommé depuis leur incarcération (13 % pour la cocaïne, 6 % pour le crack, 5 % pour la MDMA et 5 % pour l’héroïne).

Seulement 3,5 % des prisonniers disent avoir déjà consommé de la drogue injectable en détention.
L’OFDT appelle à renforcer la lutte contre la consommation de tabac et de cannabis
Quelles que soient les substances psychoactives concernées, les jeunes prisonniers en sont des
plus gros consommateurs.

Les détenus de 18-34 ans fument plus souvent du tabac (69 % de fumeurs quotidiens) ou du cannabis (35 % quotidiennement) et boivent plus souvent de l’alcool (4,7 % mensuellement) et que les prisonniers de plus de 35 ans (respectivement 55 %, 15 % et 2,7 %). Les auteurs de l’étude n’ont pas noté de différence de profil de consommation selon le type de détention (pour peine ou en attente d’un jugement) ou la longueur de l’incarcération.

Au final, s’agissant de la consommation de substances psychoactives, l’étude de l’OFDT estime qu’il existe trois types de prisonniers : un premier tiers, essentiellement des jeunes détenus, conjugue consommation quotidienne de tabac et mensuelle de cannabis ; un autre tiers ne consomme que du tabac ; enfin un dernier tiers, surtout des vieux prisonniers, ne consomme aucune substance psychoactive.

En revanche, la polyconsommation tabac-alcool, relativement fréquente dans le monde extérieur, est inexistante en prison.
« Les résultats interrogent une éventuelle adaptation des politiques sanitaires en matière de prévention et de traitement des addictions à la réalité des consommations observées » conclut l’OFDT.

Si beaucoup d’efforts ont été faits ces dernières années, avec succès, pour lutter contre la consommation de drogues injectables, le danger de ce type de pratiques est désormais moindre grâce au recul de l’épidémie de VIH. C’est sur la prévention s’agissant du tabac et la lutte contre la consommation de cannabis que doivent se concentrer désormais les services pénitentiaires.

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